L’évaluation en question

Avant d’entrer dans les démarches d’évaluation, il est important de s’assurer que l’on parle tous de la même chose. En effet, l’évaluation ne doit pas être confondue avec des notions proches. Etymologiquement, évaluer signifie attribuer une valeur à quelque chose. En contexte scolaire, l’évaluation peut se définir en première approche « comme le 
processus par lequel des informations sont obtenues au sujet des connaissances et des capacités d’une personne »1

Alors que la notation est l’ « action de traduire l’appréciation d’un travail par une note en chiffres ou en lettres assortie généralement d’un commentaire »2. On peut déduire de ces deux définitions qu’évaluer n’implique pas nécessairement de noter, et que lorsqu’il y a notation, l’évaluation ne se résume pas à la note.  En  effet,  si  la  note  porte  le  plus  souvent  sur  un  travail  individuel,  il  y  a  derrière  la notation une idée de classement des élèves ou des candidats.  Or, si le classement a sa place dans les épreuves de concours par exemple, il n’est pas toujours utile dans l’évaluation. Ainsi, par exemple, dans l’évaluation des compétences ou  des  capacités,  on  vise  davantage  la  validation  des  acquis  individuels  que  le classement3.  

Par  exemple, lorsqu’il  renseigne  le  bilan  de  compétences  du  cycle  4,  l’enseignant atteste de la maîtrise des compétences sans attribuer de note. Contrôler consiste à établir la conformité entre une production donnée et une norme préalablement  établie4.

Ainsi,  lorsqu’une  évaluation  prend  la  forme  d’un  QCM, questionnaire  à  choix  multiple,  la  réponse  produite  est  comparée  à  une  réponse 
attendue, qui constitue une norme.

Mais nous verrons dans le module / semaine ? suivant que les capacités attendues des élèves portent moins sur la conformité à une norme que sur leur aptitude à mobiliser à bon escient des ressources variées. Le travail demandé est d’ailleurs formulé le plus souvent sous forme de consignes et non pas de questions dont la réponse attendue serait prédéfinie.  
Bien sûr, il est toujours possible de « contrôler » des connaissances, par exemple la maîtrise d’un lexique en langues, mais l’évaluation ne se limite pas à la conformité à la norme. 

Je vous propose une définition de l’évaluation que nous allons examiner ensemble : selon  De  Ketele  et Roegiers  « Évaluer signifie  recueillir un ensemble  d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables, et examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux [capacités ou compétences visées]. »5

Reprenons point par point : 

Evaluer signifie : 

  • Recueillir  un  ensemble  d’informations  suffisamment  pertinentes,  valides  et fiables : évaluer est en effet une sorte d’enquête. Dans le domaine scolaire, l’objet de  l’enquête  est  la  maîtrise  par  les  apprenants  ou  les  candidats  de  savoirs, compétences  ou  capacités.  Pour  que  l’enquête  ne  soit  pas  faussée,  ces informations  doivent  être  pertinentes,  valides  et  fiables.  Ces  caractéristiques renvoient aux critères de qualité de l’évaluation qui feront l’objet d’une prochaine vidéo. 
  • Examiner  le  degré  d’adéquation  entre  cet  ensemble  d’informations  et  un ensemble  de  critères  adéquats  aux  capacités  ou  compétences  visées :  cela signifie  que  pour  étayer  l’enquête,  il  est  nécessaire  de  se  fixer  des  critères d’évaluation adaptés aux capacités et aux compétences que l’on évalue. Je vous renvoie  au module  consacré  aux grilles  d’évaluation  pour aller plus loin  sur les critères. 
  • En vue de prendre une décision : comme toute enquête, l’enquête évaluative n’a d’utilité que si elle sert la prise de décision : soit dans le processus d’enseignement, il s’agit alors d’évaluation « formative », au service des apprentissages, soit dans la  validation  totale  ou  partielle  d’un  diplôme,  il  s’agit  alors  d’évaluation « certificative ».  La  différence  entre  ces  2  formes  d’évaluation  fait  l’objet  de  la vidéo suivante.

Pour finir, l’évaluation, une pratique pas si individuelle… 

On pourrait penser que l’évaluation est une pratique individuelle de l’enseignant ou du  formateur,  alors  qu’il  s’agit  davantage  d’une  pratique  sociale,  au  sens  où  elle répond à des attentes sociales, des familles, des employeurs… et où elle est construite socialement,  par  la  transmission  de  rituels  ou  traditions,  par  des  échanges  de pratiques, par des négociations (lors d’harmonisations au sein d’un jury par exemple).  L’évaluation  est  également  une  pratique  institutionnelle  puisqu’elle  répond  à  une demande  de  l’institution,  en  ce  qui  nous  concerne  le  Ministère  en  charge  de l’agriculture  et  le  Ministère  de  l’Education  Nationale.  Elle  est  une  pratique 
institutionnelle  également au sens où  elle est le  fruit d’une  histoire, d’un  contexte. Tous les pays ne font pas le même usage de la notation par exemple.6

Ainsi,  nous  verrons  dès  la  semaine  suivante  que  l’apparition  des  compétences  et capacités en éducation est liée à un contexte institutionnel et social plus large que le seul système éducatif français.

1 Gardner (1992) in TARDIF J., L’évaluation dans le paradigme constructiviste, Texte tiré de L’évaluation des apprentissages. Réflexions, nouvelles tendances et formation, (Coll. sous la direction de René Hivon, 
Université de Sherbrooke, 1993, p. 27-56, passim) 

2 Centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr/definition/notation 

3 Cf. Pierre Merle, « L’école française et l’invention de la note. Un éclairage historique sur les polémiques contemporaines », Revue française de pédagogie, 193, octobre-novembre-décembre 2015 

4 Le contrôle […] est défini comme “un dispositif… constitué par un ensemble de procédures ayant pour objet d’établir la conformité… entre une norme… un modèle et les phénomènes ou les objets auxquels on les compare”. Ardoino et Berger (1989), in Figari G., Remaud D., Méthodologie d’évaluation en 
éducation et formation ou l’enquête évaluative, De boeck, 2014, p.27